Remerciements de Jean-Jacques DELORME, Président de Cœurs Sans frontières :

Jean-Jacques Delorme

Je remercie Monsieur Grimaldi de nous accueillir dans ce haut lieu de la Mémoire.
Je remercie tous les intervenants qui ont pris sur leur temps pour venir donner à ce colloque le retentissement digne du lieu dans lequel il se déroule. Je vais les citer dans l’ordre de passage : Gisela Heidenreich, Johannes Borner, Stéphane Delogu, Gerlinda Swillen, Jean Mouchel, Karin Trappel, Clément Mutombo, Le Dr Georg Lilienthal, le pasteur Claudel, Marcel Peiffer, Monika Benndorf, Gilles Perrault, Dominique Weck-Geoffre, Emmnuel Hamon.

Emmanuel Thiébot pour sa collaboration, son érudition, son écoute, sa vigilance et son amitié. Sans cette complicité qui se renforce année après année ce colloque ne serait pas ce qu’il est. Un grand merci Emmanuel.

Je n’oublie pas dans cette longue liste les techniciens, qui du haut de leur cabine, font que cette journée se déroule dans de bonnes conditions. Merci pour votre travail.

Merci à vous tous qui êtes présents.

 

Deux poids ou deux mesures !
Le crime d’aimer.

Petit rappel en 3 dates :

  1. 25/08/1944 Paris libéré
  2. Mai 1945 France libérée fin de la guerre
  3. Procès Papon 1998

Quels traîtres ?
Ceux de Vichy, la gestapo française, la Milice ou ces femmes qui avaient commis le seul crime d’aimer.
Comment la sélection s’est faite ?

Ce n’était plus une épuration étatique sous contrôle mais des règlements de compte ! En réalité, le plus facile était de s’en prendre à ces pauvres femmes qui n’avaient pas trahi. Leur seule trahison c’est d’avoir aimé l’ennemi. Elles ne détenaient bien évidemment aucun secret d’ETAT. L’arme avec laquelle elles ont trahi c’était leur beauté et leur jeunesse.

Bien des armées (voire des guerres plus contemporaines) ont pratiqué le viol pour que les femmes ennemies portent en elles le “ fruit “ de l’envahisseur, de l’occupant. Forme d’avilissement mais aussi façon d’assurer la descendance mâle du vainqueur sur le vaincu. Plus grave réduction de la femme à un objet purement sexuel devant transmettre la vie. Lors de la SGM nos mères n’ont pas été violées, amoureuses ou consentantes elles ont fait l’amour avec l’ennemi. Pourtant, les risques étaient considérables de la part de ces amoureux. La femme était répudiée par sa famille, par la société. Le soldat allemand risquait la peine de mort ou la déportation sur le front russe (ce qui revenait au même voire pire) pour avoir eu des relations avec des non aryennes.

L’épuration c’était l’affaire de la Nation entière prise en charge par l’Etat ! Quel Etat ! Il n’y avait plus d’Etat. Cette épuration a été ciblée (essentiellement couches populaires et les femmes) qui furent pour la plupart condamnées sans un jugement digne de ce nom !

Des tribunaux illégitimes jugeaient les collaborateurs alors que ces mêmes juges, dans le cadre de leur fonction, avec l’aval de Vichy, avaient déporté des juifs, des résistants, des patriotes et des communistes.

9 000 collabos exécutés de façon sommaire. La monstruosité de cette guerre ne donnait pas le droit de reproduire les horreurs qui avaient été commises. Ce n’était plus la force de la loi mais la loi du plus fort qui avait changé de camp Ils devaient pouvoir bénéficier d’un procès légitime et légaliste. C’est à ce prix que la Nation aurait pu se régénérer. La société dans son ensemble en serait sortie grandie, car elle n’aurait pas pratiqué la politique du pire.
Elle se serait comportée en société civilisée et responsable. En opposition à l’ennemi fanatisé par une bande d’êtres innommables, responsables des pires crimes commis au XXème siècle. Au lieu de cela, ces hordes assoiffées de vengeance, rarement légitimes, se sont comportées d’une façon monstrueuse, sous l’œil bienveillant ou complice des hommes qui reprenaient les rênes du pouvoir.
Il serait malhonnête de ma part de ne pas avoir une pensée pour ceux qui ont eu un comportement remarquable, exemplaire pendant l’occupation et se sont trouvés bien démunis et honteux devant de telles scènes.

Cette pratique me renforce dans la thèse que je développe depuis quelque temps : il aurait fallu un Nuremberg à la française. C’est à ce prix et seulement à celui-là que toute la Nation aurait pu se reconstruire la tête haute. Au lieu de cela, nous vivons 64 ans après la fin du conflit, dans une société fragmentée, divisée par ses rancunes, par ses rancœurs. Il est trop facile de tenter d’expliquer que ce n’est pas dans notre culture de faire un travail de Mémoire. Il suffit de se tourner quelques années plus tard vers les horreurs qui ont été commises en Afrique du Nord pour se convaincre que nous sommes incapables d’assumer notre passé quand il n’est pas à notre avantage.

Bien sûr en AFN il n’y a pas eu de chambres à gaz ! Mais, ayant approximativement l’âge des combattants de cette guerre qui ne voulait pas dire son nom, j’ai entendu bon nombre de récits de soldats se trouvant dans des régiments et des endroits différents, dont les pratiques étaient toutes les mêmes. Combien de ces femmes ont été également violées ? Elles n’ont pas, comme nos mères, eu le choix. C’est bien souvent avec le canon d’une arme sur la tempe que cela s’est produit. Que sont devenus leurs enfants ? Comment ont-ils pu survivre et se structurer dans une société qui avait une haine sans borne du français ?

Nous avons dû attendre 60 ans pour relever la tête ?

Combien d’années leur faudra-t-il ?
Nous avons attendu 60 ans pour dire que nous étions des franco-allemands. Combien d’années leur faudra-t-il pour revendiquer leur double appartenance ?

Sans distinction, dans tous les villages, dans toutes les villes de France, des femmes ont été :

Tondues.
Condamnées et tondues.
Tondues et internées.
Tondues et exécutées
Condamnées, internées et frappées d’indignité nationale pouvant aller de 5 à 10 ans.
Jetées dans des rivières où elles se sont noyées sous les quolibets d’une foule hilare. C’est aussi cela l’épuration…

Contrairement aux hommes collabos.

Le processus d’épuration a été violent 7 000 condamnés à mort. La mort était-elle la réponse aux faits qui leur étaient reprochés ? Je trouve la méthode tellement expéditive qu’elle a bien dû arranger bon nombre des “ dirigeants “ de cette époque. Dans certains cas elle a dû être trop douce (…) Néanmoins les 7 000 méritaient-ils la mort ?

Châtiment des traîtres et des collaborateurs :

Bien sûr mais une fois de plus nos mères n’appartenaient pas à cette catégorie. Elles n’étaient pas des traîtresses. Sur “ 20 000 “ femmes tondues :

1. plus de la moitié l’ont été pour “ collaboration horizontale “
2. 20% pour collaboration économique.
3. 11% pour collaboration politique ou militaire.
4. 9% pour dénonciation.
5. 2,5% pour avoir eu la nationalité de l’Axe.

Ce qui interpelle dans ces chiffres c’est l’addition des 58% qui ont aimé + les 20% pour collaboration économique (ce qui nous renvoie au contexte de guerre, de privations) Ce qui revient à dire que 78% de ces femmes ont subi un arbitraire mâle inhumain. A savoir que ces exactions ont été, pour l’essentiel, commises par des pseudo- résistants ou résistants de la dernière heure (voire avril 44). Il y a là un acharnement unilatéral qui a protégé tous ces opportunistes, qui avaient bien besoin de se refaire une virginité. Une autre chose m’interpelle sur la collaboration économique. Ces femmes ont payé avec leur corps la nourriture dont elles avaient besoin pour nourrir leur famille. Mais que sont devenues toutes ces personnes qui se sont livrées au marché noir et ce sont honteusement enrichies? Combien ont été condamnées ?

L’épuration n’a pas créé une France nouvelle. Car les fondations mêmes reposent sur une épuration qui n’a pas été menée à son terme et dont les acteurs les plus fragiles ont été jugés. Ce n’est pas en ayant pratiqué des exactions sur les femmes, en ayant stigmatisé les enfants issus de ces relations que la France a pu évacuer son passé. Bien au contraire elle a pratiqué le non-dit et la politique de l’autruche. Tout le monde savait mais tout le monde se taisait et se tait toujours en 2009. Seuls les plus vulnérables sont tombés.

Ce n’est pas 3 noms français de dignitaires : Seulement 3%… qui justifient le bien fondé de cette épuration, où sont les autres ? Tous les autres ?

• Maurice Papon : Il aura fallu attendre 1998 pour le condamner de “ complicité de crimes contre l’humanité “ Après la guerre il sera resté pendant toute sa carrière aux plus hautes fonctions. Préfet de police de Paris il est responsable des répressions sanglantes des 17/10/61 et 08/02/62 (métro Charonne) pendant la guerre d’Algérie. Il fut même ministre du budget (78/81) sous le gouvernement Barre pendant la présidence de Giscard.
• René Bousquet : haut fonctionnaire puis membre du gouvernement de Laval, secrétaire général de la police. Il collabora avec le SS Karl OBERG. Il organise les arrestations massives de juifs, ce qui représente 20 000, 30 000, 40 000 déportations ??? (Rafle du vel d’Hiver) Himmler après une rencontre de 5 heures avec Bousquet déclara : „être impressionné par la personnalité de celui-ci et le qualifia de collaborateur précieux dans le cadre de la collaboration policière “ Jugé en 1949 (alors que l’épuration s’essoufflait) il fut acquitté par la haute Cour de justice mais déclaré “ convaincu du crime d’indignité nationale “ En 1957 le Conseil d’Etat lui rend la légion d’honneur et fut amnistié le 17 janvier 1958.
• Paul Touvier : condamné en 1994 pour “ crimes contre l’humanité en tant que chef de la milice „. Le 13 août 1992 la chambre d’accusation fait appel et conclut à un non lieu. Après un pourvoi en cassation la Cour d’assises des Yvelines le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité le 19/04/1994. Il meurt en prison le 17/07/1996.
• Situation qui nous oblige à faire un parallèle même grotesque entre les procès de ces hauts dignitaires et ces dizaines de milliers de femmes qui n’avaient commis aucun crime d’Etat et furent condamnées ou lapidées, tondues voire même violées par leurs propres tortionnaires et ces individus qui, au nom de la raison d’Etat, sont morts dans leur lit, couverts de décorations. La haine n’a jamais fait progresser l’humanité, néanmoins j’aurais aimé leur raconter mon origine de fils de Boche dans la société française, l’emprisonnement de ma mère, les difficultés à me structurer. Cependant je suis un enfant de l’amour ! Il n’en demeure pas moins que je reste pour bon nombre de “ français “ un fils de Boche.

Une décision des autorités allemandes en date du 19 février 2009 fera ou ne fera pas de moi un franco-allemand. Je salue leur courage d’avoir donné accès à certains d’entre nous à ce statut et je compte avec l’association continuer le combat pour que tous les enfants de tous les pays occupés puissent en bénéficier.

Je conclus sur une citation du “ Petit Larousse “
• Action d’épurer, de purifier. Action d’éliminer d’une administration, d’un parti, d’un corps social les personnes dont la conduite est jugée répréhensible, condamnable ou indigne. A la fin de la SGM action de répression soit légale (tribunaux) soit sommaire (exécutions) contre les collaborateurs.