Dieser Artikel wurde noch nicht ins Deutsche übersetzt

Hubert France

Témoin.

 

 

 

Les « PRO ». Un rappel historique

 

Le 17 février 1871 Le député Emile Keller déclare que la France ne peut ni ne doit consentir et signer la cession de la Lorraine et de l’Alsace «  en foi de quoi, nous prenons nos concitoyens de France, les gouvernements des peuples du monde entier à témoin, que nous tenons d’avance pour nuls et non avenus, tous actes et traités, votes ou plébiscites, qui consentiraient l’abandon en faveur de l’étranger de tout ou partie de nos provinces de l’Alsace et de la Lorraine »

« Nous proclamons, par les présentes, à jamais inviolables le droit des Alsaciens et des Lorrains de rester membres de la nation et nous jurons, tant pour nous que  pour nos commettants, nos enfants et leurs descendants, de le revendiquer  éternellement et par toutes les voies, envers et contre tous usurpateurs ».

Et le député Émile Keller parle de l’honneur et que cette paix qui inclut la cession des deux provinces est déshonorable. Pour rester Français nous avons fait tous les sacrifices et nous sommes prêts à  les faire encore. « Nous voulons être Français et nous resterons Français, et il n’y a pas de puissance au monde, il n’y a pas de signature ni de l’Assemblée, ni de la Prusse qui puisse nous empêcher de rester Français ».

Cette déclaration du  17 février 1871 a été suivie d’autres protestations à chaque réélection au Reichstag notamment en 1874 et en 1884. Inlassablement les députés élus revendiquent l’appartenance de l’Alsace Moselle à la France et l’iniquité de l’annexion, considérée comme une violence faite aux habitants de ces deux Provinces.

Parallèlement le souvenir français prit racine dans l’ensemble du Pays annexé  Bon gré, malgré les Alsaciens Mosellans durent se soumettre ; accepter l’incorporation au service militaire, accepter leur nouvelle nationalité.

La loi prussienne considérait tous ces ressortissants comme étant de sang allemand et redevable d’un service à la nouvelle patrie qu’ils n’auraient jamais du quitter. Le refus systématique de considérer la liberté de chacun d’adhérer à la nationalité de son choix enferma ceux qui étaient restés au pays pour de multiples raisons dans une résistance passive et obstinée.

.Et ainsi se perpétua cette résistance. Rester français envers et contre tout. Ce sentiment traversa, pénétra profondément toutes les couches de la société annexée, cohabitant tant bien que mal avec les nouveaux arrivants qui prenaient les rênes du Pays. Et lorsque après 1918, vint la triste période de 1939-1945 ; Le front du refus à la germanisation, doublé par la nazification n’eut aucune peine à se relever.. Et comme à l’époque, chacun essaya de faire ce qu’il lui semblait le plus opportun. Laisser passer l’orage, se soumettre en espérant sauver les meubles. Nous connaissons la tragédie des « Malgré-nous ».

Nous voulons, ici,  simplement dire et redire qu’il y a eu une catégorie de patriotes qui ont osé résister à mains nues face à  l’Allemagne nazie, alors au sommet de sa puissance.

Nous les enfants de l’époque, devons à nos parents  ce témoignage de mémoire. Ce sont eux qui nous ont ouvert la voie de l’honneur et de la fidélité en  la  France. C’est pourquoi nous tenons à proclamer qu’ils étaient dans le droit fil des déclarations des Protestataires de Bordeaux. La démarche fut identique, les sacrifices aussi.

Notre propos n’est pas de refaire l’histoire, mais de mentionner simplement en ce qui concerne la période d’annexion légale, la naissance du Souvenir Français en 1872 en Alsace et en Lorraine annexées  avec l’espérance que ces provinces redeviennent  françaises.

Le Souvenir Français fut fondé en 1887 à Paris par un exilé le professeur Niessen et dès lors a propagé le culte de la mémoire en  dotant les lieux sacrés des champs de batailles del’Est de la France de stèles et de monuments.

Des noms prestigieux, comme les Dietrich, Pourtalès, Bussières, Schoppenwihr, et Vaucher ont servi la cause de ce souvenir tout au long de l’annexion.

Qui ne connaît pas les salons tenus par Mélanie de Pourtalès. Le souvenir et la présence française y  étaient célébrés. Les Prussiens toléraient encore ces actions à leur corps défendant.  Nous devons à tous ces résistants, nos ancêtres les monuments commémoratifs, les croix au creux des chemins, qui nous rappellent cette période de notre histoire.

Ceci n’est qu’un simple rappel.

Mais il est d’importance. Après avoir été dissous en 1913 par le gouvernement prussien, ce gênant Souvenir.Français.continua ses activités en Vieille France pour revenir en 1918 et se recréer dans les Provinces reconquises.

Parmi les Pro, nombreux furent les membres du Souvenir Français a subir la vindicte des autorités nazies.

Cette vindicte commença par les expulsions en 1940-1941.

Puis dans les camps spéciaux, ceux qui avaient échappé aux premières épurations, ceux qui maintenaient l’espérance et l’esprit français. D’une annexion à l’autre les différences furent extrêmement sensibles. Avec les nazis qui décapitèrent tout ce qui pouvaient rappeler la France commença l’oppression vis à vis d’une population écrasée par la défaite de 1940. Après deux années de tentative de germano-nazification, en Moselle comme en Alsace, les responsables de régions Bürckel et Wagner tombent leurs masques et s’impatientent de la lenteur de l’intégration. Il faut clarifier et se séparer de tous les éléments opposés à leur politique.

Voici un extrait du discours de Bürckel du 29/08/1942.

 

 « Il faut que soit mise en œuvre ici une séparation claire comme le cristal entre Français et Allemands…. Pour cette raison ne peuvent habiter du côté allemand que des Allemands dont l’attitude exclut tout doute sur la nationalité. Celui que nous contraignons à être Allemand, nous trompera en permanence sur son amour et sa fidélité. J’ai cru en la sincérité de ceux qui ont professé leur foi dans le Führer et le peuple… Je n’envisage pas à la longue de recommander, pour tous les gens déloyaux, une douce indulgence…..

Je crois toutefois engager avec la journée d’aujourd’hui les dernières  mesures  assurant la situation politique. Au cours des deux  années passées, 98 % de tous les Allemands de Lorraine par leur signature ont fait la déclaration suivante : « J’affirme ma foi dans le Führer et le peuple et je sollicite mon admission dans la Deutsche Volksgemeinschaft »

Cela signifie que le signataire veut devenir citoyen de l’Etat allemand. Malgré tout, durant deux ans, j’ai renvoyé à plus tard l’attribution de la citoyenneté allemande »

Le sens de la DVG

Bürckel continue : « C’était là le fond des pensées qui me guidaient lors de la création de la D.V.G.  Ces  gens là ont le même sang que nous et  doivent  appartenir à notre communauté. »

Il s’ensuit alors la proclamation de Metz

 « Au nom du Reich la citoyenneté allemande est attribuée à tous les membres de la DVG.qui représentent 98 % de tous les Lorrains de souche allemande. Il n’y a plus de place pour le droit en vigueur jusqu’à ce jour relatif à l’appartenance au peuple. J’abroge toutes les dispositions correspondantes. »

La communauté du sang

 

Ce n’est pas la volonté démocratique qui peut déterminer l’appartenance au peuple. C’est le sang qui détermine l’être. Ce n’est pas du ressort de la volonté individuelle.

 

C’est ainsi que Bürckel a imposé aux Mosellans le reniement de leur identité française, il a imposé la citoyenneté allemande, violé les droits de l’homme, sanctionné brutalement tous ceux qui ne s’étaient pas pliés à ses directives.

Contrairement à l’annexion de 1871 où l’Alsace et la Moselle formaient une entité dans l’état allemand, le « Reichsland  Elsass  Lothringen », l’annexion de fait de 1940 a séparé la Moselle de l’Alsace pour les rattacher à 2 régions allemandes différentes, et ainsi en briser l’unité.

La réaction des Mosellans

La population mosellane dans son ensemble est outrée par les déclarations du Gauleiter d’autant plus que se profile la menace claire et précise de devoir se soumettre aux devoirs inhérents à la reconnaissance de la nationalité. En effet «  les Mosellans qui ont acquis la citoyenneté allemande ont non seulement les mêmes droits mais les mêmes devoirs que ceux qui résulteraient de leur appartenance au peuple. »( Bürckel.)

 Nous pouvons dire que dans sa majorité les Mosellans sont pénétrés par cette aversion du nazisme et par le « rester français » qu’ils ont hérité depuis des générations.

La réaction fut brutale. Dès le 30 août des milliers de personnes se sont ruées vers la préfecture et les sous/préfectures pour demander leur départ vers la France récusant la « généreuse » offre  de devenir membres du peuple allemand.

Devant cette protestation, les nazis furent contraints d’ouvrir leurs guichets et d’inscrire ces volontaires au départ pour la France. Ces demandes sont estimées par des Allemands résidants à l’époque en Lorraine mosellane à plus du tiers de la population(150.000) et fut un cinglant camouflet donné à Bürckel qui prétendait que 98 % de Mosellans étaient allemands et d’accord avec sa politique. (Voir le rapport Dunkern de février 1943.)

Bien avant cet événement des Mosellans étaient entrés  en résistance. Face aux pressions exercées sur la population, pressions qui menaçaient leurs existences d’hommes libres, ces Mosellans faisant fi des conséquences de leur refus(- perte du travail, mise au ban de la société, difficulté de survivre) ont refusé dès 1940 d’adhérer à cette fameuse « Deutsche Volksgemeinschaft » Cette communauté du peuple allemand.. Ce furent les « Kartenverweiger ».

Menacés d’exclusion des écoles et des entreprises, ils ont refusé d’adhérer aux jeunesses hitlériennes, à toutes les organisations paramilitaires nazies, refusé l’embrigadement généralement organisé pour mettre l’ensemble de la population au pas.

Ils ont refusé d’assister aux réunions, rassemblements et manifestations organisées dans le cadre de la germanisation et ils affichaient ouvertement leurs sentiments francophiles. Ils étaient déjà les bêtes noires du nazisme triomphant. Après le discours de Bürckel s’ajoute à ceux-ci une multitude de personnes, qui prenant conscience du danger, se positionnent contre les déclarations des autorités du Parti nazi et demandent leur départ pour la France.

 

La réaction des nazis

Considérant qu’il subsistait un contentieux important les nazis se sont employés pendant plusieurs mois à réduire le nombre d’opposants, utilisant tout un arsenal de menaces et cherchant à convaincre les anciens membres de la « DVG » de revenir sur leurs décisions. Par leur démarche ils étaient exclus de la communauté du peuple allemand et comme tels susceptibles de se voir « transplantés » un doux euphémisme qui n’était autre qu’une pure et simple menace de déportation.

La raison restait claire. Les éléments peu sûrs ne pouvaient  rester à proximité de la frontière. Cependant disaient les déclarations : « si subsistent des réserves sur la confiance politique susceptible d’être accordée à un citoyen eu égard à la proximité de la frontière et si, pour cette raison, il est exclu de la DVG, un recours est possible auprès du Kreisehrengericht- le tribunal d’honneur de l’arrondissement.

Le tribunal d’honneur qui a été institué n’a donc rien à faire d’autre que de prendre connaissance de la décision que les Mosellans auront    exprimé par leurs attitudes et se prononcer en conformité. Ce tribunal a pour tâche essentielle de parachever le règlement politique. Il doit donc unir la justice la plus élevée à une sévérité consciente du devoir à accomplir. »

La conclusion de ces événements se solda par la déportation pour la Moselle de 8756 personnes, hommes, femmes, enfants, vieillards au début de janvier 1943. Ils étaient devenus des « apatrides », n’avaient plus le droit de se dire français. Himmler avait fait pression pour que les hommes soient mis en camp de concentration, les femmes et les enfants dans des camps spéciaux. Il avait exigé un minimum de 40000 personnes selon la thèse de M. Dieter Wolfanger. Les chefs d’accusation pour toutes ces personnes, hommes, femmes, enfants étaient les suivants : « éléments politiquement peu sûrs pour vivre à la frontière », « susceptibles d’une rééducation au nazisme puisque de sang allemand. De toutes façons se sont manifestées comme ennemi du  Grand Reich en refusant la citoyenneté allemande ».

A cette catégorie de résistants, il convient d’ajouter toutes les familles « complices » où considérées comme telle, de la désertion ou de l’évasion de leurs enfants vers la France.  Ce sont ceux que nous appelons communément les « réfractaires »

Cette mise en cause a été principalement exercée dans les départements alsaciens. Après quelques rafles des éléments considérés et connus pour leur francophilie, la majorité des Pro alsaciens ont été incarcérés dans le cadre  du « Sittenhaft »  Il s’agit pour le bas-Rhin de 604 personnes et pour le Haut-Rhin de 3099 personnes reconnues comme PRO. Le Gauleiter Wagner avait dès 1942   procédé à des  déportations vers l’Allemagne d’éléments considérés comme dangereux pour l’idéologie nazie en raison de leur influence notoire et de leur francophilie.

Mis en camps spéciaux, ces patriotes ont subi des pressions énormes pour qu’ils reviennent à de meilleurs sentiments vis à vis du nazisme. Ils ont résisté, affirmant leur fidélité à la nationalité française, récusant l’appellation d’apatride et refusant envers et contre tout d’appartenir à la communauté du peuple allemand.  Ils étaient sous la férule de gardiens SS dont la mission consistait à faire plier ces irréductibles. Un deuxième chapitre est ouvert qui pourrait raconter ces 30 mois de déportation aux confins de la Pologne et de la Tchécoslovaquie, à l’ombre de la gestapo et de son univers concentrationnaire.

La République Française a mis plus de 10 ans pour reconnaître cette catégorie de patriotes limitée  aux provinces d’Alsace Moselle  et leur a attribué le titre de « patriotes résistants à l’occupation  incarcérés en camps spéciaux » par décret N° 54-1304 du 27 décembre 1954.

 « Considérant la situation particulière imposée à certains Alsaciens Lorrains au cours de la guerre1939-1945 :

Art. Ier. La République Française considérant le patriotisme, le courage et les souffrances des Alsaciens Lorrains résistants à l’occupation des départements du Rhin et de la Moselle, incarcérés en camps spéciaux, proscrits et contraints à résidence forcée en pays ennemi ou en territoire étranger occupé par l’ennemi, en raison de leur attachement à la  France, s’incline devant eux et leurs familles, proclame et détermine, conformément aux dispositions du présent décret, leurs droits et ceux de leurs ayant cause.

 

Art. II Le titre de  «  Patriote résistant à l’occupation des départements du Rhin et de la Moselle, incarcéré en camps spéciaux » est attribué aux Français originaires des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle qui, en raison de leur attachement notoire à  la France, ont été arrêtés et contraints par l’ennemi de quitter le territoire national pour être incarcérés en camps spéciaux en pays ennemi ou en territoire étranger occupé par l’ennemi, sous la condition que la période de contrainte ait duré trois mois au moins. »

 

Cet article dégage trois points qui tiennent à cœur  aux P.R.O. et que le mémorial doit refléter dans une présentation claire.

1)    Les PRO sont des déportés pour des motifs politiques et pas des transplantés. Ils ont une existence particulière de résistants.

2)    Que les Alsaciens Mosellans étaient en droit international toujours Français. Les ressortissants des trois départements de l’Est sont considérés par les nazis comme des Allemands. Ils appartiennent au peuple allemand parce qu’ils sont  de sang allemand. : Le droit du sang vient fausser toute la problématique et légitime aux yeux des nazis l’annexion du territoire..

3)    Qu’il y a aussi une différence fondamentale entre les deux annexions allemandes. Au niveau de la manière de procéder et par rapport au droit international.

 

Nous espérons qu’il ressortira des réponses claires pour les visiteurs français et étrangers et que le Mémorial donnera de plus en plus les vraies réponses à ces questions.

Merci de donner une place a ceux que le destin a malmené parce qu’ils voulaient rester fidèles à leurs convictions. Le sort des Pro ne fut pas une banale transplantation, mais une Déportation.. Nous tenons  à cette vérité.

La présentation actuelle provisoire est encore trop imprécise pour nous satisfaire pleinement.

Un deuxième article sur les P.R.O. exposera les conditions de vie dans les camps spéciaux  Nous aimerions là aussi rétablir quelques inexactitudes. Le panneau provisoire y gagnerait en clarté et en vérité.

 

 

Hubert France –

Président  Fédération Déportés Internés Résistants Patriotes du Bas-Rhin