Premier Colloque des « Enfants de la Seconde Guerre Mondiale » au Mémorial de Caen.

L’association Coeurs Sans Frontières a organisé un colloque les 10 et 11 novembre 2007 au Mémorial de Caen.L’association a organisé en partenariat avec le Mémorial de Caen le 1er colloque en France des « enfants de la seconde guerre mondiale »

Cette journée fut d’un grand intérêt : qualité des conférenciers, du débat, des témoignages, et aussi en raison de la présence de tous ces participants  » acteurs  » à des titres divers de cette tragédie. Ils y apportaient une très forte densité émotionnelle et en accroissaient la portée. La volonté affichée de faire ce nécessaire travail de mémoire et d’apporter une contribution au grand et difficile chantier de la fraternité et de la justice. Cette motivation du public à nous soutenir est notre objectif.

Cet intérêt n’a pas fléchi de l’ouverture à 9:00 le matin à 23:00 le soir. Cette journée a permis de lever une partie du voile sur cette période de notre histoire enfouie sous une chape de plomb. Sous cette chape de plomb il y a :

Environ 200 000 enfants nés des relations entre des françaises et des soldats allemands occupant notre territoire. Des exactions à la libération dont nous pouvons encore, en 2007, avoir honte. Des condamnations à de la prison ferme pour avoir été coupable d’avoir aimé, non pas un homme mais comme ils disaient un « Boche »

La très grande majorité de ces 200 000 enfants a été maltraitée. Souffrances physiques ou psychologiques, voire même dans certains cas les deux. Les familles les ont rejetés, abandonnés. La société les a stigmatisés. Les pouvoirs publics ont gommé leur identité.

Prisonniers des secrets de famille, des non-dits, des générations ont été profondément perturbées.

Un petit nombre est sorti de l’ombre, il a relevé la tête. Ce nombre est infime comparé à ces 200 000. Beaucoup vivent encore dans cet enfermement dans lequel ils ont été plongés. Il faut du courage pour sortir de l’ombre ou saisir une main secourable. Cette main Coeurs Sans Frontières vous l’attend.

L’association « Coeurs Sans Frontières » avait réuni de brillants intervenants pour son colloque des 10 et 11 novembre 2007 au Mémorial de Caen.

M. Gilles PERRAULT : par son rôle de modérateur il a fait l’introduction et la conclusion de cette journée. Sa renommée de journaliste, écrivain et intellectuel a contribué à donner à ces journées consacrées aux « enfants de la guerre » une hauteur et une largeur de vue indispensables à la qualité recherchée pour cet événement particulier et douloureux de la grande Histoire comme des petites histoires.

Un enfant de l’amour, témoignage de Jean-Jacques DELORME né d’une mère française et d’un père allemand.

Valentin SCHNEIDER : « La présence allemande en Normandie de 1940 à 1948 » Ses références chiffrées et sociologiques, citations, images utilisées ainsi que l’évocation de cette période enfouie aux plus profond de chaque contemporain de cette région a réveillé ces mémoires par trop endormies.

Erwan SALADIN: « La prostitution en Bretagne de 1940 à 1945 face aux choix politiques de Vichy » Ses références ainsi que l’évocation de témoignages ont frappé les imaginations à propos d’un sujet longtemps resté tabou. Notre volonté d’enfant de la guerre était de faire tomber tous les tabous. Nous étions persuadés être « le fruit » de relations amoureuses. Vous nous avez fait la démonstration que nous étions dans l’erreur. C’était courageux de révéler cette face ignorée.

Stéphane LAMACHE: « La face cachée de la présence américaine en Normandie. Des relations cordiales avec la population civile aux viols commis par certains soldats » Sa brillante et claire présentation nous a beaucoup appris sur des événements dont nous ne savions pas grand chose, du moins, nous, les enfants de Coeurs Sans Frontières. En particulier, une comparaison entre l’occupant allemand et le libérateur américain fort instructive s’est imposée à l’esprit et a conduit nos réflexions sur des chemins non encore explorés quant à ces deux périodes de la guerre qui ont marqué la Normandie, bien qu’elle ne soit pas tout à fait généralisable à l’ensemble de la France comme vous le souligniez.

Mme Catherine PAYSAN : « Ecrivain, elle est entre autres l’auteur du livre : Un amour là-bas en Allemagne » C’est avec passion qu’elle a évoqué cet amour de l’après guerre d’un prisonnier allemand. Un premier amour au bord du Rhin quand la population peine à manger et que l’armée française se conduit en armée d’occupation est une épreuve que seule une jeune fille intrépide et amoureuse peut se risquer à vivre. Je peux vous assurer qu’en 2007 Mme Paysan est restée cette jeune fille intrépide, spirituelle et enjouée.

Dominique FRANçOIS : « Les femmes tondues à la libération » Sa brillante et claire présentation des « femmes tondues à la libération » a vivement intéressé le public. Ses citations et son évocation de « chasse aux sorcières » ou de « boucs émissaires » ont frappé les imaginations à propos d’un sujet longtemps tabou dans notre mémoire collective.

Dr Catherine DURAND (psychiatre) : Le regard du psychiatre sur la mémoire que les « Enfants de la guerre » ont cherché/cherchent à faire vivre dans leur quête d’identité, sur la douleur vécue dans le tréfonds de leurs êtres parce que niés et non reconnus, sur le secret de leurs naissances la plupart trop bien gardé par honte, oubli délibéré ou refus assumé de la mère.

Peter GERHARDT et Ludwig NORZ : directeur-adjoint et historien de la WASt à Berlin. Ces archives de la Wehrmart sont riches de 18 millions de fiches sur l’armée allemande dont 15 millions de fiches de personnes disparues. La WASt est incontournable quand nous entreprenons une recherche. Peter et Ludwig nous ont fait un brillant exposé sur le travail qu’ils doivent entreprendre pour tenter d’apporter des éléments de réponse.

Mme Lucienne JEAN : secrétaire de l’association ALMA de Lamorlaye où fut installé le seul Lebensborn en France. Sa présentation fut instructive quant au sujet du Lebensborn très mal connu en France. Elle a introduit et complété le témoignage de M. Rémond.

Jean-Daniel REMOND : Auteur d’un excellent ouvrage « Une mère silencieuse ». Il nous a narré d’une façon remarquable sa petite histoire dans la grande. Son histoire venue du fin fond de l’horreur nazie a fasciné. De par sa qualité d’écoute, sa disponibilité et ses réponses circonstanciées il a su assouvir la curiosité du public, lequel pour la plupart méconnaissait cet aspect du nazisme.

Christophe WEBER : auteur du très bon documentaire « Enfants de Boches » Le public était encore très nombreux le soir à la projection de cet excellent documentaire. Nous lui devons, en partie, la force qui nous faisait défaut pour sortir de l’ombre. A la fin de la projection, quand les lampes se sont allumées nous avons pu constater dans le public les yeux rougis des spectateurs. C’est alors engagé un débat animé avec la réalisateur.

Cette journée s’est terminée à 23:00. Jean-Jacques DELORME président de l’association « Coeurs Sans Frontières » a clôturé ce colloque en proposant à Christophe WEBER de devenir le parrain de l’association. C’est sous les applaudissements que Christophe a accepté.

Le Mémorial et l’association ont scellé la volonté d’inscrire dans le temps ce partenariat en signant une charte.