HOMMAGE ET MEMOIRE

DEVOIR DE MEMOIRE

Des élèves d’une école en France ont demandé à Chantal de rédiger la préface du livre qu’ils ont élaboré en tant que travail de Mémoire. Ce livre est un recueil de lettres qu’ils ont rédigées en se mettant dans la situation des soldats de la guerre 14-18. Ce travail a été conçu dans son intégralité par la classe : rédaction, mise en page, choix des illustrations, du papier, édition. Les textes sont publiés en français et en allemand. Ci-dessous le texte de la préface de Chantal telle qu’elle paraitra dans ce livre.

1ère de couverture. Cliquer pour agrandir.

Chers élèves de 3ème du collège François Mitterrand de Thérouanne

Je suis honorée que vous m’ayez demandé d’écrire un petit mot en préface à vos lettres de guerre. À travers moi, vous rendez hommage à toute une génération et parmi elle à des centaines de milliers d’enfants qui, comme moi, sont nés pendant une guerre d’une mère et d’un père de pays ennemis.

Je suis reconnaissante que votre classe se soit identifiée à un des malheureux combattants de la 1ère guerre mondiale. La lecture de vos lettres montre que les 100 ans qui vous séparent de ces hommes, n’entravent pas votre ressenti et votre empathie pour ce qu’ils ont pensé, ce qu’ils ont souffert et comment ils ont aimé. Vous prouvez que l’amour, qui s’exprime dans les lettres des soldats à leur famille, est plus fort que l’horreur de la guerre et que la haine. En cela vous leur rendez témoignage et vous vous montrez leurs héritiers.

La science nous dit aujourd’hui que l’héritage physique se fait par des molécules porteuses du message héréditaire (ADN, ARN), grâce à leur structure, leur séquence, mais aussi leurs altérations volontaires ou non. Il m’arrive de penser que si chaque génération porte les gênes de la précédente et transmet à son tour les siens, c’est un processus similaire qui nous transmet de génération en génération le savoir, l’expérience, le vécu et hélas aussi les traumas.

Mais, pourquoi donc les guerres passées n’empêchent elles pas les nouvelles ?

Pourquoi la connaissance à travers l’Histoire que l’homme est capable du meilleur, comme du pire, n’a pas inscrit en l’Humain, en chacun de nous, la leçon des conséquences de sa cruauté ?

Au contraire, cette ignorance permet aux armes de se perfectionner, aux idées d’anéantissement des autres de fleurir. Nous le voyons encore aujourd’hui. L’intolérance, la haine, le rejet, l’envie sont des terreaux si fertiles et inépuisables.
La guerre de 1870, a semé les graines de la « Grande guerre », qui devait être la dernière, mais n’a pas empêché la Seconde Guerre mondiale et cette dernière n’a pas empêché nos guerres modernes jusqu’à celle d’aujourd’hui en Ukraine.
Chaque guerre impose des souffrances brutales et assassine une part importante des populations impliquées. Chaque conflit dresse des murailles interdisant tout rapprochement entre ressortissants des pays belligérants. Cependant, malgré et contre toutes ces impossibilités, des rapprochements, des amitiés, de véritables histoires d’amour parviennent à se tisser entre individus censés se haïr et se combattre. À un moment dans l’horreur, l’ennemi peut être perçu comme une autre victime qui elle aussi subit les mêmes souffrances physiques et morales. Ainsi, contre toute attente, contre toute logique guerrière, des femmes de pays occupés ont rencontré et aimé des soldats occupants. L’interdiction de tels amours n’a pas empêché des êtres de se découvrir et de s’aimer. De ces amours des enfants sont nés.

Je suis l’une de ces enfants. Mon père soldat de la Wehrmacht était occupant en Normandie. Ma mère et lui se sont aimés. Il y a eu le débarquement. Il a dû partir. La guerre a continué. A-t-il survécu ? Comme moi, des centaines de milliers d’enfants sont nés en France, en Allemagne, en Europe des amours interdites parce que l’un était soldat occupant et que l’autre était femme autochtone. Ces enfants ont été un tabou. Les familles, la société ont imposé à leurs origines le verrou du secret et de la honte. Ce n’est souvent que très tardivement qu’ils ont appris les circonstances restées secrètes de leurs naissances. Certains ont dû attendre le décès de leur parent et certains ne l’apprendront jamais.

L’être humain a besoin de racines. Pour ces enfants de la guerre un manque identitaire a émergé et ils ont décidé de sortir de l’ombre, d’affirmer leur existence, de rechercher leurs pères. Ils ont ainsi créé l’association Cœurs sans Frontières (https://www.coeurssansfrontieres.com/fr/). Depuis 2005, français et allemands s’entraident pour trouver leurs ascendants. Ils sont une réalité de l’amitié franco-allemande.

Allons-nous transmettre aux générations futures un ADN spirituel où l’intolérance, le rejet, la haine et donc la guerre trôneraient encore en si belle place ? Nous avons tous et chacun notre part à prendre dans la modification de l’héritage qui nous sera donné de transmettre.

Tout comme l’amitié franco-allemande que nous, enfants de la guerre, avons contribué à faire grandir à partir de notre histoire cachée, votre très bel exercice de mémoire, la manière dont vous avez pris à bras-le-corps les souffrances qu’ont endurées « ceux de 14 » sont des contributions essentielles pour que, malgré les évènements en cours, la guerre puisse disparaitre un peu plus de notre culture. Se souvenir est une chose, faire mémoire en est une autre. Faire mémoire implique que nous prenions nos responsabilités et que nous fassions quelque chose. Et c’est bien ce que vous avez fait. Bravo !

Permettez-mois de terminer sur cet évènement récent qui peut être lu comme une sorte de parabole. Je suis fière de vous faire savoir en avant-première que notre association Cœurs sans Frontières est devenue membre de l’association « La Flamme sous l’Arc de Triomphe, Flamme de la Nation ». Nous allons donc être appelés à rallumer la Flamme du Souvenir. Nous pourrions le faire avec un esprit revanchard, guerrier, héroïque. Non. Nous le ferons comme un geste pour témoigner, à travers l’hommage à cet inconnu qui aurait pu être notre père, de l’affection paternelle qui nous a manqué et de l’amour qui l’a rapproché de notre mère. Leur amour est une graine que nous voulons transmettre.

Chers élèves de 3ème du collège François Mitterrand de Thérouanne mes pensées iront vers vous chaque fois que Coeurs sans Frontières ravivera cette flamme. Continuez à l’entretenir et à la transmettre. Je forme le vœu que la démonstration littéraire, qu’est votre livre, vous accompagne tout au long de votre vie, et vous rappelle que l’amour des autres est votre capital le plus précieux.

Chantal le Quentrec, Présidente de l’association Coeurs sans frontières

Quatrième de couverture. Cliquer pour agrandir.

Liebe Schüler der 3. Klasse des François Mitterrand College in Thérouanne

Ich fühle mich geehrt, dass Sie mich gebeten haben, eine Notiz im Vorwort zu Ihren Kriegsbriefen zu schreiben. Durch mich zollen Sie einer ganzen Generation Tribut und unter ihnen Hunderttausenden von Kindern, die wie ich während eines Krieges einer Mutter und eines Vaters feindlicher Länder geboren wurden.

Ich bin dankbar, dass sich Ihre Klasse mit einem der unglücklichen Kämpfer des 1. Weltkriegs identifiziert hat. Das Lesen Ihrer Briefe zeigt, dass die 100 Jahre, die Sie von diesen Männern trennen, Ihre Gefühle und Ihr Einfühlungsvermögen für das, was sie dachten, was sie erlitten und wie sie liebten, nicht behindern. Sie beweisen, dass die Liebe, die in den Briefen der Soldaten an ihre Familien zum Ausdruck kommt, stärker ist als der Schrecken des Krieges und des Hasses. Darin bezeugt ihr sie und zeigt euch als ihre Erben.

Die Wissenschaft sagt uns heute, dass die physische Vererbung von Molekülen durchgeführt wird, die die erbliche Botschaft (DNA, RNA) tragen, dank ihrer Struktur, ihrer Sequenz, aber auch ihrer freiwilligen Veränderungen oder nicht. Ich denke manchmal, dass, wenn jede Generation die Gene der vorherigen trägt und wiederum ihre eigenen überträgt, es ein ähnlicher Prozess ist, der uns von Generation zu Generation das Wissen, die Erfahrung, die gelebte Erfahrung und leider auch die Traumata überträgt.

Aber warum verhindern vergangene Kriege keine Nachrichten?

Warum hat das Wissen im Laufe der Geschichte, dass der Mensch sowohl zum Besten als auch zum Schlechtesten fähig ist, nicht in den Menschen, in jeden von uns eingeschrieben, die Lektion über die Folgen seiner Grausamkeit?

Im Gegenteil, diese Ignoranz lässt Waffen sich selbst perfektionieren, Ideen der Vernichtung anderer gedeihen. Wir sehen es noch heute. Intoleranz, Hass, Ablehnung, Neid sind solche fruchtbaren und unerschöpflichen Böden. Der Krieg von 1870 säte die Saat des « Großen Krieges », der der letzte sein sollte, aber den Zweiten Weltkrieg nicht verhinderte, und letzterer verhinderte nicht unsere modernen Kriege bis heute in der Ukraine. Jeder Krieg verursacht brutales Leid und ermordet einen bedeutenden Teil der beteiligten Bevölkerungen. Jeder Konflikt errichtet Mauern, die jede Annäherung zwischen Staatsangehörigen der kriegführenden Länder verbieten. Doch trotz und gegen all diese Unmöglichkeiten schaffen es Annäherungen, Freundschaften, wahre Liebesgeschichten, sich zwischen Individuen zu verweben, die sich hassen und bekämpfen sollen. Irgendwann im Entsetzen kann der Feind als ein weiteres Opfer wahrgenommen werden, das ebenfalls das gleiche körperliche und moralische Leiden erleidet. So begegneten und liebten Frauen aus den besetzten Ländern entgegen allen Widrigkeiten, gegen jede kriegerische Logik die Besatzungssoldaten. Das Verbot solcher Lieben hat die Wesen nicht daran gehindert, einander zu entdecken und zu lieben. Aus dieser Liebe wurden Kinder geboren.

Ich bin eines dieser Kinder. Mein Vater, ein Soldat der Wehrmacht, war Besatzer in der Normandie. Er und meine Mutter liebten sich. Da war die Ausschiffung. Er musste gehen. Der Krieg ging weiter. Hat er überlebt? Wie ich wurden Hunderttausende von Kindern in Frankreich geboren, in Deutschland, in Europa verbotene Lieben, weil das eine ein Besatzungssoldat und das andere eine indigene Frau war. Diese Kinder waren ein Tabu. Familien und Gesellschaft haben ihren Ursprüngen das Schloss der Geheimhaltung und Scham auferlegt. Oft erfuhren sie erst sehr spät von den geheimen Umständen ihrer Geburt. Einige mussten auf den Tod ihrer Eltern warten und einige werden es nie herausfinden.

Menschen brauchen Wurzeln. Für diese Kinder des Krieges entstand ein Mangel an Identität und sie beschlossen, aus dem Schatten zu treten, ihre Existenz zu bekräftigen, ihre Väter zu suchen. Sie gründeten den Verein Herzen ohne Grenzen (https://www.coeurssansfrontieres.com/fr/). Seit 2005 helfen sich Franzosen und Deutsche gegenseitig, ihre Vorfahren zu finden. Sie sind eine Realität der deutsch-französischen Freundschaft.

Werden wir zukünftigen Generationen eine spirituelle DNA vermitteln, in der Intoleranz, Ablehnung, Hass und damit Krieg immer noch an einem so schönen Ort sitzen würden? Jeder von uns hat seinen Teil dazu beizutragen, das Vermächtnis zu verändern, das uns zur Weitergabe gegeben wird.

Genau wie die deutsch-französische Freundschaft, die wir, die Kinder des Krieges, aus unserer verborgenen Geschichte wachsen ließen, ist eure sehr schöne Übung in der Erinnerung, die Art und Weise, wie ihr die Leiden der «14-Jährigen»  aufgenommen habt, wesentliche Beiträge, damit der Krieg trotz der laufenden Ereignisse ein wenig mehr aus unserer Kultur verschwinden kann. Erinnern ist eine Sache, Erinnern ist eine andere. Sich zu erinnern bedeutet, dass wir Verantwortung übernehmen und etwas tun. Und das hast du getan. Gut gemacht!

Gestatten Sie mir, mit diesem jüngsten Ereignis zu schließen, das als eine Art Gleichnis gelesen werden kann. Ich bin stolz darauf, Ihnen in der Vorschau mitteilen zu können, dass unser Verein Herzen ohne Grenzen Mitglied des Vereins « Die Flamme unter dem Arc de Triomphe, Flamme der Nation » geworden ist. Wir werden daher aufgerufen sein, die Flamme der Erinnerung neu zu entfachen. Wir könnten es mit einem revanchistischen, kriegerischen, heroischen Geist tun. Nein. Wir werden es als Geste tun, um durch die Hommage an diesen Fremden, der unser Vater hätte sein können, von der väterlichen Zuneigung zu zeugen, die wir vermisst haben, und von der Liebe, die ihn unserer Mutter nähergebracht hat. Ihre Liebe ist ein Samenkorn, das wir weitergeben wollen.

Liebe Schüler der 3. Klasse des François Mitterrand College in Thérouanne, meine Gedanken werden jedes Mal zu Ihnen gehen, wenn Hearts Without Borders diese Flamme neu entfacht. Pflegen Sie es weiter und geben Sie es weiter. Ich hoffe, dass die literarische Demonstration, die Ihr Buch ist, Sie durch Ihr ganzes Leben begleiten und Sie daran erinnern wird, dass die Liebe zu anderen Ihr wertvollstes Kapital ist.

Chantal le Quentrec, Präsidentin des Vereins Coeurs sans frontières