Né en 1944 à Weissenfels en Allemagne ex R.D.A, je suis arrivé en France en 1947. Je fus admis à L’Assistance Publique de la Seine le 8 octobre 1947 comme Pupille de l’Etat. Dans un premier temps, je fus placé dans une première famille d’accueil chez une femme qui avait perdu son mari à la guerre. Roué de coups et mal nourri, je fus enlevé in extremis pour cause de mauvais traitements.
Imaginez-vous un peu, un enfant âgé de 3 ans et demi, ne parlant pas un mot de français mais l’allemand, arrivant chez cette femme qui venait de perdre son mari partit faire la guerre contre l’Allemagne.
Ensuite, en très mauvais état j’arrive dans un petit village de l’Yonne ou je suis placé dans une nouvelle famille d’accueil. De là, sur les conseils d’un médecin, je pars durant une période de 6 mois dans une maison spécialisée (un préventorium ou sanatorium) pour palier à mon rachitisme.
De retour dans cette deuxième famille d’accueil, je rentre à l’école du village ne sachant bien-sûr, encore pas parler français.
Dès ce moment là, en moi, mes souvenirs commencèrent à revenir tout doucement. D’abord cette femme. Qui m’hurlait dessus et qui n’avait rien d’humain qui me garda 6 mois durant lesquels je suis resté nuits et jours accroupi entre une maie et une comtoise sans le droit d’en bouger. Qui me donnait à manger et à boire dans une gamelle à même le sol. Qui me faisait sortir nu comme un vers pour me laver à l’eau froide dans une vieille lessiveuse à l’extérieur.
Bien-sûr, chez cette nouvelle famille d’accueil, j’avais à manger et à boire, mais je savais, j’étais différent. Ce n’était pas mes parents bien que je les appelais papa et maman. A l’école, j’étais le boche, le sale petit prussien apprenant le français. Chez mes parents nourriciers, l’affection prodiguée à mon égard n’était pas de mise. Aucun soutien, aucune aide de nulle part lorsque les autres enfants m’insultaient. Car pour eux, j’étais le « sale prussien » et le « sale boche ».
Certains adultes me traitaient de « sauvage de boche », lorsque j’avais l’audace de passer trop près de leur maison. Mais la plupart m’ignoraient. A me sentir seul, ainsi rejeté, humilié, je devenais de plus en plus renfermé sur moi-même et de plus en plus dur avec mes camarades de classe.
A cause de mes pitreries, de tous mes tours pendables et mon manque de motivation à étudier, j’étais très souvent puni par mes parents et le Maître d’école.
Mes nuits étaient souvent peuplées de cauchemars.
Je n’en pouvais plus, il fallait que je sache qui j’étais, qui étaient mes parents et d’où je venais. Dès l’âge de 12 ans, je commençai alors à poser des questions à mes parents nourriciers, à mon Directeur d’Agence et à l’Assistante Sociale. Aucun d’eux ne pouvaient ou ne voulaient me répondre. Je dus attendre l’âge de 21 ans avant d’avoir un début de réponse avec le document qui me fut envoyé par L’Assistance Publique de La Seine à Paris. Document qui faisait mention de la déclaration faite en vue de me procurer la nationalité française. A cette âge ayant atteint ma majorité et n’étant plus sous la responsabilité de l’A.P j’ai commencé mes recherches.
En 1975, s’établirent mes premiers contact et courriers avec la Croix Rouge basée à Arolsen en Allemagne. A partir de là, n’ayant que cette piste je me suis rendu en 1978 puis en 1979 en RDA. En huit jours, j’ai retrouvé toute une partie de ma famille. Je savais dorénavant que mon père était d’origine française.
Il ma fallait continuer afin de retrouver mes origines en France. C’était terrible de vivre en France, de savoir que mon père était d’origine française et de ne pouvoir savoir qui il était. Prés d’un demi-siècle après, avec la réponse du service de la Wast à Berlin et à l’aube de mes 63 ans mes recherches aboutirent.
Le plus dur dont je souffrais, ce n’était pas d’être de l’Assistance Publique, mais de ne pas savoir qui j’étais, d’où je venais et de n’avoir aucune réponse.
Maintenant, le petit prussien que j’étais et le français que je suis ont fait la paix.
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