La célébration franco-allemande du 91ème anniversaire de l’armistice de 1918 a eu lieu cette année en présence Madame Angela MERKEL, Chancelière de l’Allemagne.
Jean-Jacques Delorme, Président de Cœurs Sans Frontières représentait notre association lors de cet évènement très important pour nous enfants de la guerre.
Jean-Jacques Delorme présente un rappel des évènements qui ont conduits aux conflits et à la réconciliation de nos deux pays :
Pendant toute une partie du XIX et du XXème siècle, la relation franco-allemande a été pensée en termes d’affrontements et de revanche, de combat et de domination. La Première puis la seconde Guerre mondiale ont été les heures les plus tragiques de l’histoire de l’humanité.
Depuis plus de soixantaine années, pourtant, la réconciliation des deux pays est un fait tangible. C’est une réalité acquise par de lentes évolutions, grâce à l’action résolue d’hommes et de femmes qui ont préféré le dialogue à l’affrontement, la coopération à la confrontation. Cette réconciliation tant espérée, enracinée dans les valeurs communes de la démocratie et des droits de l’homme, est aujourd’hui devenue presque banale, tant elle semble aller de soi.
Qui se souvient encore qu’elle est le fruit d’un processus difficile et fragile, relayé par des hommes de foi, porteurs d’un idéal de paix et d’une certaine idée de l’Europe, qui n’ont pas toujours entendus en leur temps ?
En ce 11 novembre 2009, alors que le traité de Versailles fut signé voici quatre-vingt-dix ans et que le mur de Berlin tombait il y a vingt ans, prenons le temps de nous arrêter sur un courant qui n’a jamais cessé de circuler : le courant d’espoir entre deux grands peuples qui avaient tout pour s’estimer et se comprendre et qui ont failli se détruire mutuellement, le courant de l’entente et de la coopération.
PREMICES D’UNE RELATION
Le Royaume de France et le Saint-Empire germanique entretiennent depuis le Moyen-Âge d’étroites relations commerciales et culturelles mais aussi des rivalités politiques et des conflits dynastiques.
A compter de la révolution française, les échanges intellectuelles et philosophiques se multiplient entre les deux pays. Kant et Goethe s’enthousiasment pour la déclaration des droits de l’homme. Le contracte qui existe entre l’Etat-nation français, centralisé, et le Saint-Empire, constitué de plusieurs Etats indépendants de facto, frappe les contemporains.
Napoléon annexe une parie des Etats qui constituent le Saint-Empire, qui est dissous en 1806. Cela n’empêche pas les français de s’intéresser à leurs voisins. Madame de Staël, dans son livre de l’Allemagne (1814), insiste les vertus poétiques philosophiques et musicales des allemands, sur leur idéalisme qui les empêche de gagner sur le terrain, autant que de qualités qu’elle ne retrouve pas dans le France napoléonienne.
Mais la domination française suscite en Allemagne une prise de conscience nationale. La défaite française en Russie débouche sur une guerre de libération du côté germanique. En novembre 1813, les troupes napoléoniennes quittent le pays. Le congrès de Vienne, en 1815, établit une confédération germanique.
La vision par les français d’une Allemagne idéaliste continue pourtant d’exister. Elle évolue toutefois au cours du XIXè siècle, à mesure que l’Allemagne se dote d’une université et d’un système industriel performants. Dans les domaines de la chimie, de la géologie, des mathématiques, le voisin d’outre-Rhin affirme sa prééminence. Son unification douanière, l’adoption d’une monnaie commune, la construction d’un réseau ferré unique montrent que l’unité est en cours.
Fascinés, les français assistent à une mutation qu’ils espèrent rattraper. A partir de 1830, l’apprentissage de la langue allemande connaît un véritable essor dans les collèges français, le printemps des peuples, en 1848, rapproche français et allemands dans un même élan démocratique. Les régimes autoritaires reprennent le dessus et les années 1860 sont marquées par la montée en puissance de la Prusse de Bismarck qui cherche à réaliser enfin l’unité de l’Allemagne « par le fer et le feu »
1871 : NAISSANCE DE L’ENNEMI HEREDITAIRE
Défaite de l’Allemagne lors de la guerre de 1870-1871, la France n’en conçoit paradoxalement que plus d’admiration pour son voisin : la victoire est mise sur le compte de la supériorité militaire mais aussi de l’avance technologique et scientifique allemande. L’Allemagne, de son côté, reste fascinée par les symboles de la « Grande Nation » : le 18 janvier 1871, l’empire allemand est proclamé dans la galerie des Glaces du château de Versailles.
Une relation passionnelle se noue : pour la France amputée de l’Alsace-Lorraine, l’Allemagne devient l’ennemi national. Les journaux français appellent à la revanche nationale.
Mais comme dans toute passion, l’ambivalence règne : l’efficacité industrielle allemande, sa production d’acier et la qualité de son enseignement continuent à impressionner les français. Sa philosophie, la générosité de idées, sa sensibilité musicale, tout cela vit encore.
L’ennemi est aussi un modèle. En Allemagne, l’influence culturelle française reste très forte.
Le choc dévastateur de la Première Guerre mondiale ne permet pas de trouver d’issue à ce paradoxe.
LES ANNEES 1920-1930 : UN DIALOGUE AVORTE
En 1919, le France et l’Allemagne vivent déjà sur le passif de deux conflits. Celui de 1870-1871 a fait grandir toute une génération de Français dans l’attente de la revanche. Celui de 1914-1918 laisse les deux pays exsangues et établit entre eux une coupure fatale. Pire, il contient en lui les germes d’un troisième affrontement.
Le traité dé Versailles qui est signé le 28 juin 1919 devrait régler la guerre. Il est en réalité conçu par les vainqueurs et vécu comme un diktat par les allemands. La République de Weimar, qui naît au lendemain de la guerre, veut favoriser le dialogue avec la France.
Après la tragique crise de la Ruhr, Aristide Briand et Gustav Stresemann, ministre des Affaires étrangères allemand, signent en 1925 les accords de Locarno. Les deux hommes se lient d’amitié. Tous deux constatent que la paix en Europe dépend de l’entente entre leurs deux pays : « une communauté de destin nous lie les uns aux autres » (Stresemann). En 1926, les deux hommes reçoivent le prix Nobel de la Paix.
La société civile répercute largement le rapprochement franco-allemand : en 1926, un comité franco-allemand d’information et de documentation est créé. Des cercles officieux, comme le Mayrisch-Komitee, s’organisent. Des sociétés franco-allemandes naissent à Berlin, Francfort , Breslau, Paris, Sens, ou le Havre. La ligue d’Etudes germaniques prône le dialogue entre les deux pays, enfin, se rencontrent et commémorent ensemble le souvenir de la Grande Guerre.
La grande Dépression et l’esprit de revanche conduisent à l’arrivée d’Hitler au pouvoir, qui met un coup d’arrêt à ces initiatives et établit en Allemagne le sinistre régime nazi. Sa politique raciste et expansionniste conduit à une nouvelle guerre entre la France et l’Allemagne, qui plonge l’Europe et le monde dans la Seconde Guerre mondiale.
Que de chemin parcouru depuis la signature de l’armistice du 8 mai 1945 qui nous a sorti de l’horreur nazie au 11 novembre 2009 ! Nous le devons en grande partie à Robert Schuman, appelé « Père de l’Europe ». Le 9 mai 1950 il fait une déclaration historique annonçant la construction de l’Europe sur la base d’un rapport de Jean Monnet (1888/1979), appelé « Plan Schuman ». Un an après, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) était créée, premier pas vers le Marché Commun.
Depuis 1950 tous les présidents français et chancelier/es allemands ont fait progresser cette réconciliation, transcendant leurs opinions politiques pour aller vers un seul objectif la paix. Cette paix irréversible a fait de deux Nations les piliers de la Grande Europe.
A gauche du président de CSF : Conseillère générale Mme Pascale JURDANT PFEIFFER
Je ne peux conclure sans saluer le courage du président Sarkozy d’avoir invité pour ce 91ème anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918 la chancelière Angela Merkel. La foule qui assistait à cette célébration ne grelottait plus de froid quand la chorale a entonné nos deux hymnes nationaux sur la place de la Concorde, mais d’une vive émotion. Le franco-allemand que je suis n’oubliera jamais ce grand moment historique.