Ce samedi 20 novembre 2010 s’est tenu, à Caen, le quatrième colloque de notre association « Cœurs sans frontières ».
Comme chaque fois, l’arrivée devant cet impressionnant Mémorial provoque les mêmes sentiments d’émotion, de tristesse, de respect et d’espoir.
Ce haut lieu de mémoire se présente sous la forme d’un long parallélépipède horizontal brisé en son centre. On n’a aucune peine à imaginer, jaillissant de cette faille, un envol de blanches colombes.
Rappelons la devise gravée dans la pierre de sa façade :
DE MA BLESSURE A JAILLI UN FLEUVE DE LIBERTE.
L’ouverture des travaux de ce colloque a été marquée par le discours d’accueil de Monsieur Grimaldi, Directeur de ce Mémorial. Il n’a pas prononcé un texte convenu, de circonstance, mais au contraire, son intervention, improvisée, sortait du cœur et traduisait l’esprit du lieu.
Au cours de celui-ci, Monsieur Grimaldi a tenu à rapporter une anecdote. Alors qu’il se trouvait au Mémorial, parmi le public, il remarqua une petite fille. Cette enfant venait des Etats-Unis. Elle venait de photographier, parmi les objets et souvenirs exposés, une chaussure d’enfant. Il lui demanda alors pourquoi cet intérêt particulier pour cet objet. L’enfant répondit alors «parce qu’elle est jolie».
Monsieur Grimaldi expliqua alors gentiment que cette chaussure avait appartenu à une petite fille gazée à Auschwitz…. La petite rétorqua
«Oh ! je suis triste » puis repartit faire d’autres photos…..
Ce fut alors au tour de notre Président Jean-Jacques Delorme d’ouvrir cette journée. Si le premier colloque s’était tenu un 11 novembre (2007), date hautement symbolique, celui-ci a eu lieu un 20 novembre qui est, faut-il le rappeler, la date de la journée mondiale de l’enfance.
Coïncidence de dates ? Oui bien sûr, mais désormais nos colloques se dérouleront à des dates les plus proches possibles de cette journée commémorative qui nous concerne directement.
Pourquoi associer Mémoire et Enfance ? Parce que si le devoir de mémoire est indispensable et incontournable, il s’adresse essentiellement à la jeunesse.
On ne peut alors que se réjouir que la moitié des visiteurs du Mémorial ait moins de vingt ans.
Dans ce contexte, comment ne pas souscrire aux paroles de Jean-Jacques Delorme à l’issue de son discours d’ouverture : «Notre action consiste aussi à nous tourner vers la jeunesse, cette jeunesse qui sera demain l’avenir de l’humanité, nous sommes, nous serons à ses côtés ».
Il n’aura échappé à personne que nous, les serviteurs de la mémoire, nous sommes toujours des enfants. Enfants de la guerre,
la plupart d’entre nous sont, au mieux, des égratignés, au pire des traumatisés et même, parfois, des êtres détruits. Combien parmi nous ont prononcé le mot magique « Papa » dans leur jeunesse privée d’enfance ?
Ce colloque, plus précisément baptisé Journée d’étude historique, avait pour thème principal «Le secret, une histoire de famille».
Il n’est pas question de reprendre ici le détail de toutes les interventions.
Il serait, par ailleurs, injuste d’en citer quelques unes compte tenu que toutes étaient d‘un très haut niveau. Comme chaque année, la richesse et la variété des thèmes exposés, l’authenticité et la conviction des intervenants parfois paralysés par les larmes, ont fait que, de l’avis général, cette journée fut un excellent cru.
Une exception toutefois pour signaler l’intervention de Madame Catherine Goulletquer, psycho-généalogiste. Ceci, tout simplement parce que le thème abordé est le dénominateur commun à toutes les
détresses, à toutes les situations qui nous concernent. Cette Dame est pour que la vérité soit dite, car, si le passé est gravé dans le marbre, la perception que l’on en a peut et doit évoluer. La fin d’un tabou doit être le début d’une nouvelle vie.
Certains, peu informés, pourraient s’étonner de voir des enfants d’allemands se réunir dans un Mémorial consacré aux atrocités de la deuxième guerre mondiale.
Tout d’abord, ce lieu de commémoration est trop souvent, dans l’opinion,
perçu comme le musée du débarquement. Cette appréciation pour le moins réductrice, ne correspond ni à sa vocation, ni à son esprit. Son rôle est d’accompagner l’obligatoire travail de mémoire en présentant les faits avec objectivité et pragmatisme.
Qui, il y a quelques années, aurait imaginé dans ce haut lieu, une association d’enfants de la guerre écoutant avec plaisir et recueillement, la brillante prestation de la chorale allemande «Männergesangverein Egenhausen-Schwarzwald Baden Wurttemberg»?
Ce moment de rêve s’est déroulé le soir de cette journée, dans le cadre de l’immense hall du Mémorial sous une très grande photo en noir et blanc des décombres de la ville de Caen, après les bombardements.
Rappelons que cette ville fut détruite à quatre-vingts pour cent. Comme il se doit, cette soirée s’est achevée, devant une assistance debout, par la magistrale interprétation de l’hymne européen.
Bien entendu, les travaux de Cœurs sans frontières ne se limitent pas à cette seule journée du 20 Novembre 2010.
Dès la veille, dans l’après –midi, s’est tenue la statutaire réunion de son comité directeur. En début de soirée, à l’hôtel où nous avons nos habitudes, a eu lieu un pot d’accueil. Occasion des retrouvailles des «anciens» et présentation de membres qui ne se connaissaient pas encore. La chorale allemande a alors tenu à nous offrir un premier aperçu de son talent.
Puis ce fut le dîner. Moment propice aux échanges où le dilemme est de s’asseoir à une table par affinités ou, a contrario, découvrir le charme de faire connaissance avec de nouveaux compagnons. Là encore la chorale a eu la délicatesse de nous offrir un nouvel intermède.
Le dimanche 21 au matin s’est déroulée la non moins statutaire assemblée générale de notre association.
Puis ce fut le déjeuner dans le restaurant du Mémorial. Repas de qualité, comme d’habitude. Un certain trouble fut cependant observé parmi les convives masculins lors du passage des miss régionales, candidates à l’élection de miss France. Il convient de préciser que cet épisode n’a pas été organisé par Cœurs sans frontières.
Afin de ne pas être accusé de partialité, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître un défaut à ce colloque, il est passé trop vite.
Jean WILLEMIN