PASSE SOUS SILENCE

La vérité est dans la tombe ! Mon histoire pourrait commencer par « il était une fois » ! Je ne suis pas écrivain, mais je vais tout de même vous écrire noir sur blanc ce qui depuis toutes ces années ont fait ma vie. Je n’irai pas jusqu’à dire « un enfer » mais ! Très traumatisée par les mensonges. Voici donc ma vie résumée en quelques lignes :

Ce 31 octobre 1945 je naquis dans une très jolie ville de Bourgogne, Saint Florentin près d’Auxerre. Dans le ventre de ma mère je n’étais pas désirée, à la naissance il fallut bien m’accepter. Ma mère était fille unique, pour mes grands parents ce fut la honte !

Remontons en janvier 1945. Ma grand-mère était employée à la commune. Elle fut réquisitionnée pour laver le linge des « allemands ». Je m’exprime ainsi car à l’âge adulte lorsque l’on me racontait tout et rien c’est le langage que l’on employait. Je dirai donc que les soldats venaient à tour de rôle chercher le linge et maman se trouvait souvent là. Un jour un soldat est venu ça été le coup de foudre. Arriva ce qui devait arriver maman s’est retrouvée enceinte et la suite je vous l’évoquais au début de mon récit.

A la maternelle ça allait, mais en primaire durant des années j’ai subi les humiliations de mes camarades, vous devez savoir lesquelles ? Même ma meilleure amie m’a traitée de « Boche ». Je ne comprenais pas toute cette méchanceté, lorsque je posais une question, on n’avait pas le temps de me répondre. Je voulais savoir. J’ai fait des recherches auprès de personnes ayant côtoyé ma mère. A l’âge de 32 ans j’ai enfin recueilli quelques mots d’une vieille dame : « Ton père était un allemand et puis elle m’a dit que lorsqu’il a su que ma mère attendait un enfant, il lui aurait promis qu’il reviendrait après la guerre et qu’il l’épouserait » ! Je lui ai demandé : «Mais je ne l’ai jamais vu ?» Ce à quoi elle m’a répondu : « – Non car il a été envoyé sur le front russe. Peut-être est-il mort là-bas ? »

Une autre m’a raconté qui lui manquait deux doigts  à une main mais elle ne savait plus laquelle et qu’il était surnommé « boîte à petits pois » !

Je sais que jamais je ne le verrai. Peut-être que j’ai des frères et des sœurs de sang ? Certains ont connu leur père, moi si je connaissais son nom et où il est né je serai très heureuse. Peut-être que parmi vous c’est la même chose votre maman ne vous aura jamais  rien dit ? Tout ce que je sais je l’ai appris par des familles ayant connu sa liaison avec lui et à qui ma mère a fait à l’époque des confidences.

Un jour j’ai appris qu’elle avait été tondue. Le dénonciateur je l’ai connu, aujourd’hui j’ai envie d’aller cracher sur sa pierre tombale. Mais je pense à toutes nos mamans, la honte qu’elles ont dû éprouver devant ces tyrans qui éprouvaient du plaisir à voir tomber leurs cheveux. Je me dis qu’elles n’avaient pas à avoir honte, elles étaient jeunes, nos pères également, ils se sont aimés, c’était la guerre, ils n’étaient pas les bienvenus. Vous ne pensez pas qu’aujourd’hui les soldats que l’on envoie en Afghanistan ou au Kosovo sont bien accueillis ? N’y a t’il pas des amours sans lendemain comme pour nos parents ?

Je ne connais pas mon père, je ne le connaîtrai sans doute jamais, mais son sang coule dans mes veines, tout comme pour vous ! Nous sommes frères et sœurs nous devons en être fiers. Il n’y a pas longtemps que je suis dans l’association mais je vous aime tous, nous sommes une grande famille.

Je suis fière d’être la fille d’un soldat allemand.

Cette lettre est un hommage à mon père, mais je la dédie aussi à tous mes frères et sœurs de sang.

Josy LEGER MUTRICY