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Une enfance heureuse entre un père allemand et une mère françaiseJe suis née en juin 1945 au Havre. Enfant de la guerre, moi aussi, j’ai eu la chance, contrairement à beaucoup d’autres enfants, d’avoir une enfance heureuse, entre un père allemand et une mère française.

Ma mère a, en effet, épousé mon père en 1949, après que celui-ci, déjà marié en Allemagne, ait reçu son jugement de divorce.
Durant mon enfance, je n’ai connu aucun ostracisme, habitant dans un quartier où beaucoup de couples étaient franco-allemands. Beaucoup de soldats, ayant été „travailleurs libres“ avaient connu et aimé des femmes françaises, et étaient restés en France où ils avaient fondé une famille. Je précise que les travailleurs libres étaient des prisonniers à qui on avait proposé de travailler à la reconstruction de la France plutôt que d’être rapatriés. Ils avaient généralement un contrat d’au minimum un an de travail pour la France. Mon père faisait partie de ceux-là. J’ai donc grandi dans un monde franco-allemand et appris cette langue, d’abord phonétiquement, petit à petit, puis au collège où bien entendu, j’ai choisi l’allemand comme „première langue“.

Je mesure aujourd’hui, quand je lis les récits d’autres personnes enfants de la guerre ou „enfants de boches“ combien j’ai été privilégiée.
La seule chose qui m’ait été pénible, quand j’étais à l’école et au collège, c’était de ne pas porter le même nom que mes parents. Ma mère a toujours refusé que je porte le nom de son mari, bien que celui-ci veuille régulariser, arguant du fait qu’un nom allemand, après la guerre pouvait être difficile à porter et „qu’on ne savait jamais ce qui pouvait arriver“ comme elle disait.
Je suis également allée en Allemagne avec mes parents à plusieurs reprises, la première fois en 1958 pour connaître la famille de mon père. Maman et moi avons été tout de suite très vite adoptées par cette grande famille qui avait pourtant également souffert de la guerre y ayant perdu deux fils. Vivaient encore mon grand-père, 4 filles et 2 fils (dont mon père). Tous mariés bien sûr et avec des enfants. Je dois dire que nous avons souvent passé des moments inoubliables car c’était une famille très gaie dont tous les membres s’entendaient bien. A vingt ans, je me suis mariée. Le hasard a fait que je rencontre un jeune homme lorrain, en déplacement dans notre région, dont le père était également allemand, mort sur le front russe et la mère française, née en Lorraine. Couple d’ailleurs tout à fait légitime. Comme il se doit, il a été très bien accueilli par mes parents, surtout par mon père, car il comprenait et parlait allemand, même si celui-ci était teinté d’un accent lorrain prononcé.

C’est à lui que ma mère a avoué un jour que mon père n’était pas mon „vrai“ père en lui demandant de m’en avertir. A-t-elle eu peur de ma réaction ? ou honte, encore aujourd’hui je ne saurais le dire.

J’ai donc appris, à 20 ans, que quelque part, j’avais un père biologique.
Pour être franche, je n’ai pas été traumatisée, mon père „adoptif“ étant un excellent homme avec qui je m’entendais très bien.
Je venais de me marier, j’attendais un bébé, j’ai été très étonnée mais ma vie n’en a pas été bouleversée. Et à ce moment là, je n’ai pas beaucoup questionné ma mère.

Mais petit à petit, l’idée a fait son chemin. Qui était-donc cet homme dont ma mère ne m’avait jamais parlé ?
En la questionnant par la suite longuement car elle restait très réticente, j’ai appris quelques bribes de son passé (il m’a fallu pour cela d’ailleurs de nombreuses années). Qu’en 1941 elle avait connu sur son lieu de travail et puis aimé un officier allemand pendant la guerre, qu’il avait été fait prisonnier en septembre 1944 et qu’à partir de ce moment, elle n’avait plus eu de nouvelles. Elle m’a aussi dit qu’il s’appelait Herbert HEINRICH, était né près d’une grande ville de l’Allemagne de l’Est mais qu’elle ne savait pas laquelle, qu’il était un peu plus âgé qu’elle. Elle n’avait jamais osé entreprendre des recherches et puis l’Allemagne avait été divisée après la guerre. Des photos, des lettres, elle n’en possédait plus, mon père adoptif lui ayant demandé de les détruire lors de leur mariage. Elle n’avait d’ailleurs qu’un souci en tête, c’est que celui-ci n’apprenne jamais que je savais. Elle me l’a fait promettre. Ce que j’ai accepté d’autant plus volontiers que pour moi, mon père adoptif était comme un vrai père.
En vieillissant, ma mère m’a donné à de très rares fois, d’autres renseignements sur mon père biologique: qu’ils allaient se promener le dimanche, qu’il lui avait donné en cadeau un grand miroir et une petite table en acajou (qu’elle avait gardés et que, moi, maintenant je possède d’ailleurs toujours). Mais ces moments étaient très courts : elle avait tellement peur que mon père adoptif ne nous entende.

Les années ont donc passé. J’ai eu des enfants, puis des petits-enfants. Mon père adoptif étant décédé en 1997, je me suis senti délivrée de ma promesse, j’ai recommencé à interroger ma mère plus souvent, mais malheureusement sa mémoire a commencé à lui faire défaut et le diagnostic est tombé : maladie d’Elsheimer. Je n’ai pas eu plus de renseignements.

En 2004, suite au documentaire „Enfants de boches“ à la TV, je me suis rendu compte que je n’étais pas seule dans ce cas, et que la WAST pouvait peut être m’aider, j’ai donc tout de suite écrit en donnant le peu de renseignements que je possédais. La réponse est arrivée, peu après, ne me donnant aucun espoir d’avoir une piste, les renseignements que je possédais étant trop tenus. Il aurait fallu que j’aie la date, le lieu de naissance au moins, afin qu’une recherche soit entamée.
J’ai continué cependant à chercher, à écrire un peu partout, Croix-Rouge internationale, Archives Départementales, Archives Nationales de Fontainebleau concernant les prisonniers de guerre, Ministère des Affaires Etrangères, contacts divers sur Internet, dont des sites de généalogie, j’ai tout essayé pendant 2 ans, sans avancer beaucoup.
Et puis en septembre 2006, tout à fait par hasard, j’ai appris qu’une association existait concernant ces enfants nés de la guerre : „Cœurs sans Frontières“. J’ai donc pris contact avec le représentant régional de cette association et à partir de ce moment, une espèce de toile d’araignée s’est formée, qui m’a aidée grâce à l’aide des bénévoles.
On m’a donné des conseils, des pistes de recherches. L’un d’eux m’a dit de m’inscrire sur un site allemand de recherches „Vermisst-Gefallen“ puisque j’avais la chance de parler et comprendre l’allemand. Sur ce site, beaucoup de personnes, qui resteront toujours anonymes, ont essayé de m’aider, de chercher. Que de temps passé devant mon ordinateur, à guetter le moindre renseignement !

J’ai également relancé, réécrit et téléphoné à la WAST, aidée par ces bénévoles qui ont appuyé ma demande et enfin, un jour : le 2 mai 2007, j’ai reçu un courrier m’annonçant qu’un ancien militaire „susceptible d’être mon père biologique“ avait été identifié et que les renseignements que j’avais donnés correspondaient à son parcours militaire. Celui-ci était décédé en 1969 mais aurait encore une fille dont les coordonnées étaient en cours de vérification et que la WAST allait contacter.
Quelle joie ! Enfin après 3 ans de recherches, de désillusions, j’allais peut-être en savoir un peu plus!!
Et puis, le jour de la Pentecôte 2007: ce même correspondant de Cœurs sans frontières m’envoie un mail me disant que mon beau-frère m’avait laissé un message sur le site allemand !! Mon beau-frère ? Avant que je réalise que j’avais un beau-frère, donc une sœur qui acceptait de me contacter, il m’a fallu quelques secondes pour réaliser. Mais j’ai vite foncé.

Le premier contact a été établi via Internet. Et la première photo de mon père envoyée par ma soeur : moment d’émotion intense : après 62 ans voir enfin les traits de l’homme que ma mère avait aimé. !
Des mails, des appels téléphoniques ont suivi. En septembre 2007, je me suis rendue avec mon mari près de Dresden où j’ai rencontré ma sœur et son mari. J’ai été très bien accueillie. Ma sœur m’a dit avoir été très étonnée de ma démarche car notre père n’a jamais parlé de son séjour en France. Elle possédait bien des photographies avec au dos : Le Havre et une date mais n’avait jamais interrogé notre père là-dessus. Jamais elle n’aurait pensé avoir une sœur en France.
Nous sommes restés ensemble 4 jours, nous avons parlé, regardé des photos un peu, pas assez à mon goût, je me suis rendue sur la tombe de mon père, j’ai vu la maison où il était né, le village où il avait vécu, j’ai appris qu’il était resté prisonnier en Angleterre jusqu’en novembre 1947 et rapatrié directement en Allemagne où il avait une femme et 2 fils (l’un né en 1939, et l’autre en 1942) puis une fille, ma sœur née, elle, en 1948.
J’ai donc une autre famille en Allemagne, une sœur, des neveux, des cousines. Mes deux frères sont malheureusement décédés chacun vers l’âge de 40 ans.

Et ma sœur est venue à son tour en France en juin 2008, pour connaître la France et notre façon de vivre. Nous continuons à nous écrire ou téléphoner régulièrement et c’est une grande joie pour moi, qui n’ai jamais eu ni frère ni sœur en France.

J’ai continué tout de même à faire des recherches concernant ma mère. J’avais été intriguée en classant ses affaires et ses papiers lors de son entrée en maison de retraite, par le fait que sur son récapitulatif de carrière, elle avait arrêté de travailler en juin 1940 dans une entreprise et que les années travaillées entre septembre 1940 et septembre 1946 ne pouvaient pas être validées dans son décompte de retraite.
Ma mère m’avait toujours dit qu’elle avait recommencé de travailler dans son entreprise de couture qui avait été réquisitionnée par les Allemands à partir de fin 1940 et jusqu’en 1944. Pourquoi alors jusqu’en septembre 1946 ? Qu’avait-elle fait entre ma naissance (juin 1945) et cette date ? J’ai alors pensé qu’elle avait peut-être fait partie de ces femmes arrêtées après la guerre et j’ai fait une demande aux archives départementales. Dans un dossier pour lequel il m’a fallu faire une demande de dérogation pour pouvoir le consulter, j’ai appris qu’elle a été condamnée en janvier 1945 à 3 ans de prison (!!) pour „avoir entretenu, en temps de guerre, sans autorisation du gouvernement, des relations avec un membre de l’armée d’une puissance ennemie de 1941 à 1944 dans le but de favoriser les entreprises de toute nature de cette puissance“.
J’en déduis donc qu’on l’a condamnée pour avoir aimé un soldat ennemi et aussi „collaboré“ en continuant de travailler dans la même entreprise qu’avant la guerre alors que cette entreprise avait été réquisitionnée. Ce qu’ont fait, je ne crois pas me tromper, beaucoup d’autres français à l’époque ? Que pouvait-elle d’ailleurs faire d’autre ayant à charge 1 frère et 1 sœur plus jeunes ainsi que ma grand-mère veuve ?
Elle a effectué 18 mois de cette peine, en travaillant après ma naissance à la maternité du Havre, où elle a pu me garder et s’occuper de moi. Elle a heureusement été graciée après ces 18 mois et a ensuite recommencé à travailler dans une usine où elle a connu mon père adoptif qu’elle a épousé en 1949.
Mais surtout, dans ce dossier, il y avait tous les renseignements concernant mon père biologique, son nom, son numéro de matricule, le n° de son régiment, son FeldpostNummer…. avec également beaucoup de renseignements donnés par des témoins : Qu’il venait régulièrement tous les dimanches chez ma grand-mère où logeait ma mère, et ce pendant plusieurs années, qu’il était taciturne et ne parlait pas beaucoup… TOUT y était, TOUT ce que j’avais cherché depuis des années !
Ah ! si les archives avaient été disponibles plus tôt, alors qu’il a fallu attendre 60 ans pour qu’elles le soient, comme tout aurait été plus facile !! Même certainement pour beaucoup d’autres que moi.

Que de secrets, que de non-dits. J’ai aussi alors compris pourquoi ma mère n’avait jamais voulu que je porte le nom de mon père adoptif.. En quelque sorte, c’était sa manière à elle de rester fidèle à l’homme qu’elle avait aimé pendant la guerre.
Je ne peux pas lui en vouloir bien sur de tous ces secrets, je regrette seulement qu’elle ne puisse savoir que j’ai réussi dans mes recherches, elle qui m’avait dit que ce n’était pas la peine, que je n’y arriverais jamais et qu’il fallait laisser le passé là où il était.

Et je lui tout de même dit, tout bas, même si elle me reconnaît plus, que je savais maintenant qui était Herbert HEINRICH.