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Depuis 2 ans Meggie nous a régulièrement confié de très beau textes que vous pouvez lire ici.

Vidéo de l’exposé de Meggie lors de à la réunion annuelle se CSF/HOG le 18 novembre 2017 :

AC Lafarge, Chantal et Peter
AC Lafarge, Chantal et Peter
AC Lafarge, Chantal et Peter
AC Lafarge, Chantal et Peter
AC Lafarge, Chantal et Peter
AC Lafarge, Chantal et Peter

Meggie BECK

Chercher et trouver   

juillet 2017

On devrait être prudent, avec ce que l’on désire!

Pendant des décennies j’ai cherché „mon autre moitié, mon identité“ – bref  mon père.
Au début, je n’avais qu’un prénom, (qui plus est, s’est avéré faux au cours des recherches), c’était d’après le souvenir de ma sœur âgée de 9 ans à ma naissance.

Ma mère est décédée 2 semaines après mon 15ième anniversaire, et la seule chose qu’elle m’a dite, était que mon père était Français.   Beaucoup de femmes après la guerre, avaient eu des relations avec l’occupant et auraient eu des enfants qui étaient soit éliminés, soit donnés à l’adoption. Mais elle a voulu me garder.
Je ne me permets pas de juger, mais je crois qu’après la guerre et l’angoisse et le manque de tout, la demande de tendresse et de chaleur humaine était grande.
Comme j’ai été très aimée et gâtée par ma mère, mon père m’a rarement manqué. Dans les années 50 beaucoup d’enfants ont vécu sans père, car ceux-ci étaient tombés à la guerre.
Ce qui me dérangeait le plus était les enfants qui me traitaient de „Franzose“, et aussi que certaines camarades de classe me mettaient à l’écart.

Ainsi, je fuyais la solitude et me réfugiais dans un monde de livres et de fantaisie pour échapper à la réalité, en rêvant d’un autre monde et d’aventure.
Je n’avais que 14 ans, quand ma mère m’a fait part de ces allusions incompréhensibles et jusqu’à son décès, une année plus tard, elle n’en dira pas davantage.
De ma sœur aussi, je n’entendais toujours que „le petit Français «ou quand sa femme et sa fille venait de France, nous devions changer d’appartement».
Pendant les décennies qui suivront j’ai toujours essayé d’en savoir davantage sur mon géniteur auprès de ma parenté, jusqu’en 2003 où par un heureux hasard j’appris le nom de famille de mon père et aussi où il avait été muté après Münsingen (Müsingen étant son lieu de stationnement à l’époque et le lieu de ma naissance).

Je suis allée ensuite à Aime, un endroit dans les Alpes Savoyardes, où mon père avait été muté. Je me suis renseignée à la gendarmerie et à la Mairie, sans en apprendre davantage. Même au cimetière aucun nom ne correspondait. La secrétaire du maire s’est proposée de rechercher dans les archives. Là aussi sans résultat.

De la sous-préfecture de Münsingen, j’ai obtenu alors la liste des logements, dans lesquels les occupants étaient logés. Sur cette liste étaient bien indiqué le nom de la Compagnie, du régiment  de la brigade etc. …
Lors d’une conférence à l’université de Cologne sur les enfants de la guerre j’ai fait la connaissance de Mme  le professeur Kleinau qui m’a donné l’adresse de l’organisation  „ Cœurs sans Frontières“.
A ce moment là ont commencé les vraies recherches.

Je ne sais pas, qui, quoi et comment cela c’est passé et qui a participé mais je reste profondément impressionnée de l’investissement de temps, d’argent et de patience avec lequel les membres bénévoles de CSF agissent!
Je ne pourrai jamais les remercier assez pour ce qu’ils ont fait pour moi. Merci beaucoup !
Grâce à une série de circonstances heureuses, il leur a été possible de retrouver la tombe de mon père et sa fille, donc ma demi-sœur Française!

Elle a 87 ans, une ravissante dame âgée avec beaucoup d’humour et d’esprit.
Je lui ai rendu visite en juin et j’ai passé plus de 2 heures en sa compagnie.
La aussi le CSF était à mes côté, en me donnant Mr. Georges Roume qui m’a soutenue non seulement moralement, mais aussi question langage.
Ma demi-sœur (Georgette) ne connaît pas notre lien de parenté, nous voulions l’approcher doucement.
C’est pour cela, que j’ai dit tout au début  „On devrait être prudent avec nos désirs“

Pendant des années, mon plus grand souhait était de retrouver ma famille française. Et l’ayant retrouvée je ne pouvais pas dévoiler directement la vérité.
J’étais intérieurement déchirée entre le désir de vérité et celui de ménager ma demi-sœur.

Je me suis demandée pourquoi cette éternelle recherche? J’allais bien sans le savoir ! Je me suis construit en Allemagne un monde intact avec ma famille, mes amis mes connaissances.  Mais  dans un coin de ma tête il y avait toujours ces questions, qui était IL, où avait IL vécu, avait IL pensé à moi?
L’humain est bizarre, ou c’est moi qui suis bizarre avec ma recherche éternelle de vérité et mon perfectionnisme. Maintenant j’ai des réponses et je n’en suis pas satisfaite.
Je me turlupine les méninges pour savoir, comment, quand et si je dis à Georgette la vérité.  Et que dois-je faire si elle nie cette vérité, et me traite de menteuse ou de voleuse d’héritage !
Pourrais-je survivre en étant rejetée une deuxième fois !

Malgré tous les fantasmes et la nostalgie de ce père le fait est qu’il est reparti en France en laissant ma mère avec un bébé de 16 mois sans argent et n’a jamais repris contact au cours des décennies suivantes.

Quel homme faut-il être, pour faire un enfant, de le couvrir d’amour pendant 16 mois et de disparaître à jamais. Mes origines viennent de cet homme. Est-ce que je possède les mêmes gènes?
Je ne sais pas, si à l’époque il y a eu un arrangement entre mes parents, ce sont des questions qui resteront sans réponse, car plus personne ne peut y répondre.
Je suis convaincue que ma mère commença alors les prémisses de son cancer, toujours dans la préoccupation, en tant que veuve de guerre de subvenir au besoin des filles, en plus avec la honte d’avoir un enfant illégitime dans une petite ville bigote de la Souabe.

J’étais devant la tombe de mon père et j’étais vide !
Tout ce que je voulais lui dire, ce que j’avais pensé d’un point de vue romantique était tout à coup creux et sans importance.
Je ne voulais que m’enfuir, loin de cette tombe. Le corps qui gisait là sous la plaque de marbre, ne me disait rien. J’avais pensé fondre en larmes, ou avoir de grands sentiments, toutefois…,
une pierre…… un nom…….. autrement…… Rien !
La rage, la colère et l’impuissance de ne pas pouvoir lui dire ma frustration, comment avait-il pu se comporter aussi misérablement, s’insinuaient en moi seulement dans les semaines suivantes.
Alors s’est installée la mauvaise conscience par rapport à Chantal et tous les autres qui m’avaient aidée et fait tant d’efforts pour moi. Etais-je ingrate?
Je suis si fatiguée maintenant, fatiguée de penser de gamberger sur toute ses questions.
Je sais, cela va changer, mais je dois tout d’abord passer par ce mur des lamentations.

Au travers de mon amour de la France et la recherche de mon père, j’ai rencontré de part et d’autre du Rhin des gens merveilleux, qui furent pour moi un enrichissement et un grand cadeau.
Cette année á la fin de mon séjour en Bretagne, en prenant congé auprès de mon amie Dominique que j’avais connue l’année dernière, et avec qui je corresponds depuis par mail (malgré mon mauvais français) celle-ci m’a dit :
« N’oublies pas, peu importe comment Georgette réagira, ici tu as une famille française »
Comment peut-on mieux définir l’amitié?

En septembre 2017 – Le voyage 2ème Partie – La révélation

J’ai décidé de retourner en Bourgogne. Je brûlais intérieurement, j’avais constamment cette France maudite dans la tête et j’étais impatiente d’en finir.
Qu’avais-je à perdre ? Soit elle l’acceptait soit elle me mettait à la porte.
Ainsi, je suis partie le 10. Septembre en Bourgogne, avec dans mes bagages beaucoup de crainte et de détermination.
Mon fils Philippe m’accompagnait, car les enfants avaient décidé que je ne devais pas traverser cette épreuve seule.
Le lundi après-midi nous rendons visite à Georgette, elle est aimable, elle se rappelle de moi et parle souvent de Münsingen.
Je voulais l’inviter à manger dans un restaurant, elle décline et préfère cuisiner pour nous. Nous, nous mettons d’accord pour le jeudi midi.
Entre-temps Philippe et moi sommes très enrhumés, et donc Philippe décide de rester à la maison et je me mets en chemin seule, avec beaucoup d’encouragement de ma famille et des amis.
C’est comme la pénitence de Canossa  !
Comment dire à une dame âgée de 87 ans, qui n’a jamais été mariée, qui a toujours vécu auprès de ses parents, et vit seule depuis le décès de son père en 1991. Que son père bien aimé puisse avoir eu une maîtresse, tandis que l’épouse et la fille ne se doutaient de rien, vivant tout d’abord en France puis plus tard sur L’Alb, et même à un certain moment tous sous le même toit.
Sous les cieux, Sodome et Gomor.
A savoir que la sœur de „mon Papa“ était religieuse.

Après avoir mangé et fait la vaisselle je lui ai dis, que son père et ma mère avait eu une liaison et que j’étais le résultat de cette relation.

Je lui fis part aussitôt que je ne voulais rien d’elle et qu’elle ne pense surtout pas que je sois une voleuse d’héritage. Ce qui m’importait seulement c’était les étapes de sa vie et l’histoire de la famille.
Jamais je n’oublierai l’expression avec laquelle elle m’a regardée avec de grands yeux, le visage tout à fait calme, stupéfaite.
J’avais noté à l’avance le 115 pour les prévenir en cas d’urgence. (pas eu besoin)

Après un certain temps elle s’est reprise, tandis que j’étais assise pétrifiée d’angoisse en face d’elle. Elle me dit très calmement qu’après la guerre beaucoup de personnes étant seules ont cherché tendresse et chaleur. Les 2 aussi auraient vécu sous le même toit et nous avons ri un petit peu et dit  « les hommes! » bien que ma mère avait eu aussi sa part de responsabilité.

Elle m’a questionnée sur mon enfance à Münsingen, les larmes ont coulé car la pression, la crainte et les souvenirs sont revenus à la surface, ensuite nous avons parlé tout à fait raisonnablement et tranquillement pour autant que mes connaissances du français le permettaient.
Nous sommes vraiment une famille de femmes fortes ! ! !
Malgré toutes ces questions et réponses il m’était impossible à ce moment là de parler de mon ou notre père.
Je parle de Mr André ou de votre père. Cela me serait paru comme une usurpation de parler au pluriel. Je ne voudrais pas lui faire de mal ou revendiquer quelque chose, auquel je n’ai pas droit.
Elle est la fille qu’il a vu grandir et aimée. Je ne suis que l’enfant illégitime qui a été délaissée sans scrupules après 16 mois d’avoir été câlinée par lui.
Pour lui en tant que gendarme il aurait été facile de me retrouver.
J’ai demandé à Georgette, s’il n’avait jamais parlé de moi ou de ma mère? ……..“non jamais“.
De retour en France en 1955 à sa mise en retraite il est reparti dans son vignoble et a enterré très profondément sous ses vignes le chapitre „Fraternisation“.
Je me demande, qui est ici le „bâtard“.
Il aurait au moins pu parler à Georgette avant son décès en 1991, Monsieur „Propre“, afin qu’elle ne soit pas seule dans cet endroit minuscule. Elle aurait pu avoir une famille en Allemagne et moi une sœur dont la mémoire reste intacte.

Mais c’est inutile, de spéculer à ce sujet, c’est comme ca!
Après une heure de questions réponses intensives, interrompues par des silences, je, remarque que Georgette est épuisée et je la quitte en lui faisant remarquer qu’elle aurait suffisamment à penser. Elle rit, me dit que je dois absolument revenir, m’embrasse et m’accompagne jusqu’à ma voiture.

Quand je repars sur les routes étroites des vignobles, des petites forêts, au delà  des moulins à eau idylliques vers mon logement, j’entend à la radio un air  de Carmen « à la guerre, Torero“.
Je suis si heureuse, que les larmes coulent sur mes joues, et je mets le son à plein et chante à tue-tête. J’ai gagné la bataille Papa !  Ce sont des moments si profonds qu’aucun enfant légitime ne peut ressentir.
Après les commissions du samedi matin je passe près du cimetière et décide spontanément d’y entrer, chose à laquelle je me refusais jusque là, je suis alors devant sa tombe et lui dis toute les choses – accumulées depuis 70 ans – après m’être assurée que j’étais seule.
Ce n’était certainement pas agréable pour lui en dessous d’entendre tout cela, parce que pour moi la place au ciel il ne la mérite pas.
Le samedi après-midi Philippe et moi sommes retournés voir Georgette, elle est très accueillante et charmante, elle gâte mon fils, me fait cadeau de tomates et de figues de son jardin, mais ne dit mot sur notre parenté.
Je lui demande avant le départ si elle sait encore que je suis sa sœur, elle me regarde rayonnante et dit „mais oui“.
Et comme toujours quand je prends congé d’elle, elle est assise sur un banc soutenu par une pierre, au bout du village, seule et solitaire. Elle ne fait aucun signe, une petite dame âgée qui devient de plus en plus petite dans mon rétroviseur. Ca me fend le cœur et en même temps me réconcilie.
Je n’avais pas de père, et maintenant j’ai une famille et nous nous aimons tous beaucoup.

Maintenant elle en a une aussi, même si elle l’oublie de temps en temps. Je signe toujours mes lettres „votre Demi-sœur “,  pour me rappeler à son souvenir.
C’est une personne très charmante et digne d’être aimée, dès le premier contact j’ai ressenti cette affection envers elle, si cela n’avait pas été le cas je n’aurais rien révélé.
Je voudrais utiliser le temps qui nous reste avec elle, et lui montrer que sa famille allemande veut prendre part à sa vie.

Résultat : Beaucoup de pensées, beaucoup de douleur, tout ce que l’on croit oublié est réapparu, une petite réconciliation avec le destin, une chance, une épreuve aussi enrichissante qu’incroyable que je n’espérais plus vivre.
Pas seulement d’avoir retrouvé une sœur, mais pour avoir connu tous ceux qui directement ou indirectement ont participé aux recherches, à beaucoup de personnes merveilleuses qui sont devenues des amis.

MERCI A TOUS

MERCI DE TOUS CŒUR, A „COEUR SANS FRONTIERE »